À La Une, Chroniques, Opinions, Tous

Le Québécois, la visite royale et le malaise

Le 17 mai dernier à St. John’s, le prince Charles ainsi que son épouse Camilla ont entamé leur tournée canadienne pour souligner le jubilé de platine d’Élisabeth II. Cet événement fut l’occasion pour la province de renouer avec une partie de son histoire qui est intimement liée à celle de la Grande-Bretagne. En tant que Québécois qui participait à un premier événement royal, j’étais particulièrement étonné de voir autant d’excitation et de contradictions encapsulées dans un moment aussi bref.

David Beauchamp

Bien que le but de cette visite était de célébrer les 70 ans de règne de la reine Élisabeth II, cette dernière était absente pour des raisons de santé. C’était ainsi le prince Charles et Camilla qui étaient ses représentants officiels. Quoi qu’il en soit, j’étais présent pour voir les membres de la famille royale être accueillis par la gouverneure-générale Mary Simon ainsi que les premiers ministres Justin Trudeau et Andrew Furey; tout cela en présence de représentants des différentes nations autochtones de la province et de jeunes habillés en robes et en complets.

Le prince Charles et la duchesse Camilla d'Angleterre au centre d'un groupe de personnes. Ils regardent vers la droite de la photo. À l'arrière-plan se trouvent deux petits bâtiments, l'un vert et rose sur la droite et l'autre bleu et jaune sur la gauche.
Après une journée remplie de cérémonies, le couple royal s’est rendu au village de Quidi Vidi, où ils ont dégusté de la crème glacée et de la bière Iceberg en plus d’admirer l’artisanat dans les studios d’artisans. Photo: Alick Tsui

Une fanfare militaire, comme dans le bon vieux temps

Après avoir été reçu par ses hôtes, le prince Charles a passé en revue les soldats présents qui avaient revêtu leur uniforme cérémoniel pour l’occasion. C’est à ce moment qu’on pouvait constater la longue tradition qui unit la royauté britannique et les armées canadiennes: les drapeaux hissés, les mouvements menés au quart de tour et les hymnes nationaux entonnés devant le prince Charles placé face aux troupes, face aux troupes de sa majesté.

J’ai appris à être assez tiède envers l’armée canadienne et envers la monarchie britannique. En effet, au Québec, il n’y a pas de congé férié le 11 novembre pour souligner le jour du Souvenir et honorer les sacrifices des soldats tombés au combat; et le 23 mai sert à fêter les Patriotes plutôt que le nom de la Reine. Ces exemples, ainsi que plusieurs autres, nous enseignent que le Québec est «une nation distincte» et qu’elle est «plus importante» que le Canada parce que nous nous sommes défendus éternellement contre la colonisation britannique. Être présent à ce moment solennel m’a également rappelé que c’est le visage du prince Charles qui se retrouvera sur la monnaie canadienne un jour et qu’il est le futur monarque du Canada (et donc du Québec); ce qui n’a pas suscité de frénésie en moi, contrairement aux élèves présents.

Crions tous, c’est le prince !

Lorsque le cortège royal s’est dirigé vers la foule, cette dernière s’est mise à crier et l’ambiance était des plus festives. Les élèves présents portaient leurs plus beaux habits et agitaient fièrement leurs drapeaux de la province et du pays en plus de porter l’épinglette du jubilé de platine de la reine. Ils allaient peut-être serrer la main du prince Charles, l’événement est incroyable! 

Je n’ai pas pu m’empêcher de me poser la question: «Savent-ils au moins pourquoi ils sont excités?» Cette excitation, le Québécois en moi avait de la difficulté à la comprendre puisque je n’éprouvais, tout au plus, qu’une totale indifférence face à l’arrivée de ces personnages royaux: dans l’imaginaire québécois, la reine n’est pas notre reine. Voir autant de jeunes du primaire crier leur excitation comme si leur artiste préféré faisait une apparition surprise à St. John’s me donnait cependant l’envie de mener une enquête plus approfondie.

Lorsque j’ai demandé à une jeune de 10 ans souriante et pimpante pourquoi elle aimait la royauté et ce qu’elle signifiait pour elle, elle s’empressa de me répondre: «Elle nous protège!» Elle nous protège… protège de quoi exactement? J’ai repensé à ces mots après notre courte conversation et je me suis demandé s’il y avait encore beaucoup de gens qui partagent l’avis que la Grande-Bretagne est notre gardienne et bienfaitrice; notamment dans cette province où le Union Jack est encore perceptible ici et là. 

Un accueil autochtone pour la métropole

Après avoir pris place dans le hall de l’édifice de la Confédération, le couple royal a pu entendre une prière en innu-aimun, un chant inuk et de la musique mi’kmaq, avec à la fin du folk terre-neuvien. L’esprit de la réconciliation était bel et bien présent, mais il était difficile pour moi de ne pas éprouver, à nouveau, un certain malaise avec tous les symboles qui témoignent, toujours aujourd’hui, de l’autorité de la royauté britannique sur ses sujets. 

C’était encore plus vrai dans le cas des Autochtones, pour qui j’avais l’impression qu’on leur accordait une place purement symbolique pour le jubilé de diamant alors que plusieurs d’entre eux n’ont toujours pas accès à de l’eau potable en plus de voir la Couronne britannique bafouer les traités territoriaux lorsqu’il s’agit d’exploiter des ressources naturelles pour son profit. La monarchie ne protège pas de la soif, visiblement…

C’est alors que je me suis questionné à savoir si ces Autochtones présents à la cérémonie se sentaient «protégés» par la monarchie britannique qui a pourtant bien essayé de les assimiler.

Après la cérémonie à l’édifice de la Confédération, tout le cortège royal et médiatique s’est dirigé vers la demeure de la lieutenante-gouverneure de la province, Judy Foote. Là, dans le Jardin du cœur créé à la mémoire de tous les victimes des pensionnats, le couple royal s’est recueilli en la présence des chefs autochtones. 

Le prince Charles admet que nous devons regarder vers l’avenir en ce qui a trait aux relations avec les Premiers peuples et que le changement doit commencer maintenant. Mais, pourquoi faire aujourd’hui ce qu’on peut faire demain lorsque nous pouvons laisser place aux petits plaisirs de la vie avec une bière à la microbrasserie Quidi Vidi! Malaise…

Les commentaires sont modérés par l’équipe du Gaboteur et approuvés seulement s’ils respectent les règles en vigueur. Veuillez nous allouer du temps pour vérifier la validité de votre premier commentaire.

Laisser un commentaire

Choisir votre option d'abonnement au Gaboteur

Numérique

(web + tablette + mobile)
Annuler à tout moment

Papier

(accès numérique inclus)
Annuler à tout moment

Infolettre

(des courriels de nous)
Annuler à tout moment