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Criminalisation des thérapies de conversion au Canada 

Après son adoption à l’unanimité par le Sénat canadien au mois de novembre 2021, le projet de loi C-4 visant à criminaliser les thérapies de conversion des personnes LGBTQ2S+ est désormais entré en vigueur; et ce, depuis le 7 janvier au Canada. Grâce aux efforts de nombreux militants et survivants de ces thérapies, ces pratiques sont ainsi illégales; tout comme l’est le fait d’en faire la promotion.

Amélie Barsalou

IJL – Réseau.Presse – Le Gaboteur

Portrait en noir et blanc (du haut du corps) d'une personne qui porte un chapeau et un gilet.
Originaire de St. John’s, Gemma Hickey est activiste et auteur. Iel est le directeur exécutif de l’organisation Artforce NL et fondateur et président de la fondation Pathways Fondation Author and Activist. Photo: Courtoisie Gemma Hickey

Pendant son adolescence, Gemma Hickey a confié à son médecin de famille qu’iel ressentait des sentiments romantiques envers des femmes. Assigné au sexe féminin à la naissance, ce médecin référa Gemma vers une thérapeute. Celle-ci entreprit une thérapie de conversion sur Gemma, mais sans succès. Gemma tenta de se suicider alors qu’iel était dans ses dernières années du secondaire, il y a une vingtaine d’années. 

«Suite à cette tentative de suicide, je me suis promis que j’allais dévouer ma vie à faire en sorte que personne ne se retrouve dans ma situation», explique aujourd’hui l’activiste. À l’époque, personne ne croyait Gemma en ce qui a trait aux thérapies de conversion, «comme si c’était impossible que ça existe».

Pourtant, c’était bel et bien le cas. Partout au Canada, des thérapies de conversion religieuses et laïques étaient prescrites et prodiguées dans le but de changer l’orientation sexuelle d’une personne (pour la rendre hétérosexuelle), de changer son identité ou son expression de genre pour qu’elle devienne cisgenre. 

Un problème qui a mis du temps à être résolu

Les thérapies de conversion ont atteint l’intégrité et la dignité des toutes les personnes qui en furent victimes. «En premier lieu, je ne pense pas que l’on devrait appeler ces pratiques “des thérapies”», explique Charlie Murphy, directeur exécutif de Quadrangle, croyant que ce terme est profondément problématique. «Selon moi, ces pratiques étaient de la torture sous toutes ses formes.» Il en est de même pour Gemma: «Pour moi, c’est de la torture qui amène des conséquences psychologiques dévastatrices,» faisant notamment référence à sa tentative de suicide. 

Une personne avec un chandail avec des fleurs et des cheveux court.
Actuellement étudiant à l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard, l’ancien membre du conseil d’administration de Franco-Jeunes de Terre-Neuve et du Labrador, Jessie Lawrence, continue son activisme en suivant des cours sur la diversité et la justice sociale. Photo: Archives Le Gaboteur

«Le coût du silence est trop élevé» – Gemma Hickey

Bien que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ait publié en 2012 une déclaration dans laquelle elle confirmait que les thérapies de conversion représentaient une «grave menace pour la santé et les droits des personnes touchées», il fallut de nombreuses années pour que le gouvernement canadien en vienne à finalement criminaliser ces pratiques. 

«C’était un travail de longue haleine,» souligne Gemma Hickey, qui milite depuis longtemps pour les droits des personnes LGBTQ2S+. Pendant plusieurs années, iel a lutté pour la légalisation du mariage entre personnes du même genre au début des années 2000 et créa des précédents juridiques pour la reconnaissance des personnes non-binaires à Terre-Neuve et Labrador. En effet, Hickey est entre autres reconnu pour avoir obtenu le premier certificat de naissance non-binaire après avoir amené sa cause en cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador en 2017.

Au cours des dernières années, iel travailla surtout au sein d’un comité sur la criminalisation des thérapies de conversion avec un réseau national de militant.e.s. C’est le travail acharné de ce type de comités, un peu partout au pays, qui finalement force le gouvernement fédéral à légiférer sur la question. «Le projet de loi initial a été révisé par le comité et de nombreux commentaires et recommandations ont été faits. La majorité de ceux-ci ont été pris en compte», explique Gemma.

Enfin, le 29 novembre dernier, Hickey était présent à Ottawa entre autres auprès du Ministre de la justice, David Lametti et de la ministre des Femmes et de l’Égalité des genres, Marci Ien, pour assister à la conférence de presse annonçant la nouvelle législation.

«Encore beaucoup de travail à faire»

Jessie Lawrence, cofondateur du camp d’été bilingue pour les jeunes LGBTQ2S+ sur la côte ouest de Terre-Neuve, Camp Ohana, et récipiendaire de la médaille de la paix du YMCA ainsi que du Prix des droits humains 2019 de la la Commission des droits de la personne de Terre-Neuve-et-Labrador pour son activisme et son travail en matière de défense des droits des personnes 2SLGBTQ+, salue les efforts réalisés pour rendre la loi possible. «C’est incroyable! C’est quelque chose que j’attendais depuis plusieurs années,» commente-t-iel.

«Par contre, il faut reconnaître qu’il y a encore beaucoup de travail à faire pour changer les mentalités des gens; et il y a encore beaucoup d’homophobie et de transphobie dans la société», ajoute le jeune francophone.

Pour Charlie Murphy, la loi représente un pas vers un avenir plus idéal. Selon lui, ce gain n’est pas seulement positif pour les membres des communautés LGBTQ2S+, mais pour l’ensemble de la société. Il estime que cette loi suscitera une prise de conscience globale sur les droits humains: «J’espère que ça pourra influencer d’autres pays à faire de même.»

«J’espère vraiment que cette interdiction aidera les survivant.e.s à guérir; en partie, évidemment», conclut-il.

Pour Gemma, ce gain résulte d’un travail qu’iel s’est promis il y a longtemps d’accomplir. Iel se sent très fier de son pays et croit que c’est un très grand pas pour les droits humains. «À partir de maintenant, tout le monde a le droit fondamental d’être qui ils/elles/iels veulent!», se réjouit Gemma. 

Ressources LGBTQ2S+

INTERLIGNE

La ligne d’écoute d’Interligne est disponible 24 heures sur 24, bilingue, pour venir en aide, soutenir et informer toute personne concernée par les questions touchant la diversité sexuelle et la pluralité des genres. L’équipe d’intervention offre de l’écoute par téléphone, par texto, par clavardage et même par courriel. 

1-888-505-1010 / https://interligne.co/

TEL-JEUNES

Écoute et intervention psychosociale par téléphone, par clavardage, par courriel et par message texte. Par téléphone, c’est 24 heures, 7 jours, et par texto, 7 jours 8h00 à 23h00.

1-800-263-2266 / https://www.teljeunes.com

NAVIGAPP – BRIDGE THE GAP

Navigapp pour adultes et pour les jeunes est une ressource en ligne qui vise à soutenir le mieux-être mental.

1-888-737-4668 

TRANS SUPPORT NL

Trans Support NL a pour mission de soutenir la population de divers genres de la province. Parmi de nombreuses autres ressources, l’organisation propose des groupes de soutien par les pairs. 

http://www.tsnl.org/ 

LIGNE DE VIE TRANS

Gérée par les personnes trans, la Ligne de vie trans est un service plurilingue qui offre du soutien émotionnel et financier aux personnes trans en crise.

1-877-330-6366

JEUNESSE, J’ÉCOUTE

Aide et intervention confidentielles par téléphone, clavardage sur le web et texto, 24 heures, 7 jours. Vous trouverez également une communauté jeunesse avec un forum de soutien et de partage entre jeunes. 

1-800-668-6868 / communaute.jeunessejecoute.ca / https://jeunessejecoute.ca

QUADRANGLE

L’organisme provincial Quadrangle est un centre communautaire pour les individus et les organisations LGBTQ2S+ situé à St. John’s. Offre du soutien aux parents ayant des enfants en questionnement ou dans la communauté LGBTQ2S+.

https://www.thequadnl.com/

NL SEXUAL ASSAULT AND CRISIS CENTRE

La NL Sexual Assault and Crisis Centre offre une ligne d’écoute 24h par jour pour donner du soutien et ressources aux personnes qui en ont besoin. Vous n’avez pas besoin d’être en crise pour appeler.

1-800-726-2743

Définitions:

Cisgenre: personne dont l’identité de genre correspondent au sexe qui lui a été assigné à la naissance.

Non-binaire: personne qui ne reconnait ni dans le masculin, ni dans le féminin, ou encore, se reconnait dans les deux genres.

Transgenre: personne dont l’identité de genre ne correspond pas au sexe qui lui a été assigné à la naissance.

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