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Il pleuvait des oiseaux, il pleuvait des anecdotes

La graphiste et décoratrice de cinéma Julie Raymond enfile les tournages à Terre-Neuve depuis son déménagement à Trinity East, il y a cinq ans. En 2018, elle est retournée dans son Québec natal pour travailler sur le plateau du film Il pleuvait des oiseaux, récemment présenté à St. John’s. Récit de son expérience. 

La graphiste et décoratrice de cinéma Julie Raymond enfile les tournages à Terre-Neuve depuis son déménagement à Trinity East, il y a cinq ans. En 2018, elle est retournée dans son Québec natal pour travailler sur le plateau du film Il pleuvait des oiseaux, récemment présenté à St. John’s. Récit de son expérience. 

Coline Tisserand

C’est avec une radio et un talkie-walkie dans son sac que nous retrouvons la décoratrice de cinéma Julie Raymond pour discuter de son expérience sur le tournage du film Il pleuvait des oiseaux de Louise Archambault, projeté au Centre des Grands-Vents le 30 novembre dernier dans le cadre de la  Tournée Québec cinéma.

Ces deux objets, Julie vient juste de les dégoter « d’un gars de Bell » avant de nous rejoindre. Elle semble vraiment soulagée d’avoir mis la main dessus, parce qu’elle en a absolument pour la scène de la télésérie Hudson & Rex qui sera tournée le lendemain à St. John’s. Pas le choix,  « c’était marqué dans le script », dit-elle. 

Depuis octobre 2018, juste après sa participation à Il pleuvait des oiseaux, Julie Raymond est en effet revenue à Terre-Neuve, son île d’adoption, pour travailler sur le plateau de Hudson & Rex, qui en est maintenant à sa deuxième saison.

Un retour aux sources et au travail en français

Décor intérieur signé Julie Raymond d’une des cabanes de Il pleuvait des oiseaux / Courtoisie de Julie Raymond

À l’origine de sa participation aux Oiseaux, comme Julie surnomme le film de Louise Archambault, il y avait l’envie de retourner travailler sur un projet au Québec, cinq ans après s’être installée avec son conjoint François Senécal sur le Rocher, à Trinity East (voir notre édition du 9 juin 2014). 

Il y avait aussi l’envie de travailler à nouveau sur les décors d’un long-métrage, processus de création et d’imprégnation plus intense et profond que sur des séries télévisées. « Cela faisait cinq ans que je n’avais pas travaillé sur un plateau en français. Je ne m’étais pas rendu compte à quel point ça fait une différence pour moi de travailler en français par rapport à l’anglais. Quand je travaille en français ça coule, pas besoin de demander des clarifications sur le tournage, je peux être très précise, exprimer directement mes émotions et faire des jokes ». 

Pour cette Québécoise originaire de Saint-Placide, une localité de la Couronne nord de Montréal, un petit village des Cantons-de-l’Est, ce projet cinématographique lui a permis de se reconnecter avec sa langue et sa culture maternelle, notamment à travers les chansons de Richard Desjardins, dont certaines sont d’ailleurs interprétées magistralement par le comédien Rémi Girard dans les Oiseaux.

Une conteuse hors pair

Marie-Claude Gosselin, directrice artistique du projet et à l’origine des constructions des cabanes que l’on peut voir dans le film, n’a pas manqué de faire remarquer à Julie qu’elle s’était changée en fontaine à paroles depuis leur collaboration avant son départ de Montréal. Et de la qualifier ainsi de conteuse. Conteuse, oui, pour sûr, elle l’est! Julie nous couvre/abreuve d’histoires et d’anecdotes croustillantes sur son expérience dans la Forêt  Montmorency, près de la Ville de Québec, lieu principal du tournage. Que ce soit les sangsues dans le lac, la visite surprise d’un porc épique friand des décors, la panne d’électricité, ou encore une laveuse alimentée à la génératrice dans un garage, on se comprend sans aucun mal à quoi ressemble un tournage dans les bois. 

La responsabilité de Julie pour ce film était la décoration intérieure et extérieure des cabanes : « J’ai analysé le script pour comprendre chaque personnage, et meublé leurs cabanes en fonction de leur personnalité. Il faut faire en 3D la vision de la réalisatrice », raconte Julie. Cette responsabilité est de taille: meubler et remplir des espaces vides pour créer et rendre des ambiances, donnant ainsi une impression de vie authentique. Elle va de la vieille motoneige, au sofa, aux rideaux, en passant par le sel et le poivre, ou encore par les plants de cannabis (en plastique…).

Julie Raymond dans le décor où elle recharge ses batteries / Courtoisie de Julie Raymond

Expérience terre-neuvienne en renfort 

Même si l’équipe, composée d’environ 100 personnes, avait apporté du matériel de Montréal sur le tournage, une fois dans le bois, il faut improviser avec les moyens du bord. Retourner à Québec les samedis matins pour aller au marché aux puces de Sainte-Foy, ou magasiner dans les magasins de seconde main. Charger les vans avec les trouvailles du jour pour repartir dans le bois. 

Un travail pas si éloigné de celui de Julie Raymond sur Frontier, une autre série tournée dans la province. (voir notre édition du 18 avril 2016). En fait, ses expériences de tournage à Terre-Neuve l’ont beaucoup aidée. Comme il n’y a ici aucune infrastructure de location d’accessoires pour le cinéma, il faut se débrouiller, appeler des connaissances pour récupérer des objets à droite et à gauche, un travail que Julie qualifie dans son propre jargon de hunting.  

Sur les Oiseaux, tourné dans le bois loin des boutiques spécialisées en décors, Julie s’est retrouvée en pays de connaissance pour sa chasse aux objets. Pendant la séance d’échange avec le public qui a suivi la présentation de son film aux Grands-Vents, la réalisatrice Louise Archambault a d’ailleurs souligné la transformation de sa responsable des décors entre leurs premières rencontres à Montréal et sa débrouillardise une fois arrivée sur le tournage.

De son côté, Julie Raymond souligne que cette première expérience avec une femme réalisatrice lui a permis de découvrir une manière plus sensible d’aborder un film. « Une fois sur le terrain, j’ai compris exactement ce que Louise voulait. Elle a pris le temps de me montrer le rendu du décor sur le moniteur de la caméra. C’est vraiment rare sur un tournage. Une fois que j’ai vu le résultat de mon travail,  j’ai eu comme une révélation. Voir le décor à plat, c’était comme quand je fais du graphisme: tu rajoutes un peu de rouge ici, un peu de rouge là », résume-t-elle.  On dirait que Julie a eu comme une révélation dans le bois. 

Deux extrêmes nécessaires à l’équilibre 

« Action, réaction » semble être la devise de travail de Julie. Cette dernière n’a pas froid aux yeux dans la vie: après un début de carrière dans les tournages américains à Montréal, le lancement de sa propre boîte de graphisme, un passage au design graphique du Gaboteur, Julie et son mari François se sont lancés, en parallèle avec leurs boulots en cinéma et télévision, dans la rénovation d’une Salt Box, ce type de maison emblématique de l’architecture rurale terre-neuvienne. 

Frénésie au cinéma et lenteur à la maison, ces deux extrêmes sont nécessaires à son équilibre: vivre dans un village de 70 habitants lui permet de recharger les batteries pour repartir faire sa job de hunting. Sur le tournage des Oiseaux, acteurs et techniciens se sont sentis rapidement comme les ermites du film. Pas un problème pour Julie, habituée à vivre loin de l’agitation urbaine pendant six mois de l’année. (CT)

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