ABC 2022
P-Porto
La municipalité de Harbour Breton et ses environs, sur la côte sud de l’île, sont un des secrets les mieux gardés de la province. On y trouve des paysages et des histoires uniques.
Magazine d’été 2022
Ayant grandi à Harbour Breton, au bout de l’autoroute 360, à 200 kilomètres au sud de la Transcanadienne, je m’étais vite rendu compte en sortant de la communauté que peu de gens connaissaient cet endroit. J’avais souvent l’impression que le nom leur disait quelque chose, mais je découvrais généralement qu’ils n’avaient aucune idée de sa réelle localisation.
« Ah, c’est près de Bonavista, ça ? »
« Non, vous pensez à Harbour Grace »
« C’est en Nouvelle-Écosse, alors? »
« Eh non – ça, c’est le Cap Breton »
À l’extrême sud de Terre-Neuve, Harbour Breton se situe à l’entrée de la baie de la Fortune, sur la péninsule Connaigre dans la région qui s’appelle la Côte des baies. Ce nom vient de la multitude de baies et de fjords pittoresques de la région. Les noms de ces baies, ainsi que ceux des communautés qui s’y trouvent, révèlent l’histoire française de la région. Parmi d’autres, on retrouve Bay de l’Eau, St. Jacques, Great Ma Jambe et Gaultois.
Toutes ces baies profondes offrent un environnement paradisiaque pour les amateurs de kayak. Ceux-ci peuvent passer des semaines à explorer falaises, anses et rivières. Harbour Breton possède également une large variété de sentiers de randonnée de tous niveaux.
En grimpant sur la colline Gun Hill, on a une vue panoramique de la totalité de Harbour Breton, ainsi que de Broad Cove et Jersey Harbour, des commu- nautés relocalisées situées à proximité. Dans la partie sud de la ville, on trouve quatre plages de sable, d’où on voit les îles Sagona et Brunette, également d’anciennes communautés. Certains jours, on peut même voir le point nord de Miquelon.
En partie en raison de sa proximité de l’archipel français de St-Pierre-et-Miquelon, Harbour Breton est au cœur de plusieurs légendes de contrebande. Pourtant, il y a eu pendant plus d’un siècle une industrie d’importation d’alcool tout à fait légitime sur ses rives alors que la compagnie Newman, basée en Angleterre, a fait de Harbour Breton son port d’attache terre-neuvien.
Jusqu’à la fermeture de ses installations dans la région, en 1907, la compagnie transportait des tonneaux de porto de l’Europe jusqu’aux quais de Harbour Breton pour repartir avec de la morue salée. Le vin y reposait jusqu’au retour du bateau.
On disait que le climat brumeux des Grands Bancs donnait au porto Newman’s son goût distinctif. Autour de la plage Thompson’s, là où se trouve actuellement l’usine de pêche, on peut encore explorer les celliers d’entreposage de la compagnie Newman.
Sur les bouteilles du porto Newman’s, toujours en production de nos jours, on peut voir une carte de Terre-Neuve et lire « la romantique » histoire de la découverte de ses particularités, en 1679. Ainsi, un navire en partance de Oporto vers Londres aurait été attaqué par un corsaire français. Le navire aurait réussi à continuer sa route, mais se serait égaré dans l’Atlantique pour finalement trouver refuge dans le port de Saint-Jean.
Après un hiver passé à Terre-Neuve, le navire serait retourné à Londres et à son arrivée, on aurait découvert que le porto de cette cargaison avait acquis un goût plus raffiné, attribué à son hibernation sur l’île et à son long voyage en mer. Le rôle de Harbour Breton dans l’histoire de ce porto est passé sous silence.
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