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Une suffragette ramenée à la vie le temps d’une pièce de théâtre

Dans le cadre du mois de l’histoire des femmes et du 100e anniversaire de l’obtention du droit de vote des femmes à St. John’s, la pièce de théâtre féministe, The Mirror, était à l’affiche au LSPU Hall du 21 au 24 octobre dernier. Présentée par la compagnie PerSIStence Theatre, la pièce écrite par Trudy J. Morgan-Cole met en scène la vie d’une pionnière dans la défense des droits des femmes, Armine Nutting Gosling. 

Amélie Barsalou

La pièce s’ouvre sur la jeune Armine Nutting (interprétée par Alison Woolridge), seule sur scène, et fraîchement arrivée à Terre-Neuve. Née à Waterloo, au Québec en 1861, Armine Nutting Gosling déménage en effet durant sa vingtaine à St. John’s pour y être maîtresse d’école. Très vite, elle s’implique dans de nombreuses causes, telles que l’amélioration de la protection de la jeunesse, ainsi que l’amélioration des conditions de vie dans les orphelinats et les soins de santé maternelle et infantile. 

Armine Nutting Gosling prêchait pour une réforme des droits des femmes à Terre-Neuve et donc, par le fait même, elle se battait pour obtenir le droit de vote pour celles-ci. «Deeds not words» («des actions, pas des paroles!») est le slogan repris des suffragettes britanniques par Armine et ses consoeurs. Pendant la pièce, les suffragettes terre-neuviennes clament ce slogan haut et fort afin de faire valoir l’importance des femmes sur la place publique terre-neuvienne.

Photo prise lors d'une représentation de The Mirror. Une femme est debout a un podium elle tint le poing en l'air. Trois autres femmes la regardent, elles sont assises avec leurs dos à l'audience.
Armine Nutting Gosling, interprétée par la comédienne Alison Woolridge, monte sur l’estrade lors d’une des sessions des Ladies’ Reading Rooms pour un discours plein de véhémence sur l’importance d’accorder le droit de vote aux femmes. Ashley Harding

Un espace de débats pour les femmes

N’ayant pas la possibilité de s’exprimer lors de débats politiques ou lors de prises de décisions législatives, Armine et ses partenaires de lutte décidèrent de créer leur propre espace: le Ladies’ Reading Room. Dès 1910, le Ladies’ Reading Room offre la possibilité aux femmes d’assister à des conférences sur une panoplie de sujets politiques, mais aussi de discuter et de débattre ensemble des meilleurs journaux anglais et américains. Avec plus d’une centaine de membres, cette institution a su former de nombreuses femmes à parler publiquement et à prendre part dans des débats. 

Ayant remporté leur lutte pour le droit de vote en 1921 à l’occasion des élections municipales de St. John’s, les femmes propriétaires pouvaient enfin se rendre aux urnes dans la capitale cette année-là. Ce critère de propriété, comme le font d’ailleurs remarquer les personnages pendant la pièce, exclut de nombreuses femmes du droit de vote. Parmi les 1080 femmes qualifiées pour voter aux municipales en décembre 1921, beaucoup sont issues des milieux aisés ou sont des femmes de classe moyenne sont propriétaires de magasins.

Ce n’est qu’en 1925 que les femmes, suite à de nombreuses actions et pétitions, ont réellement remporté une victoire pour le droit de vote universel des femmes à Terre-Neuve et au Labrador. 

100 ans plus tard

Pour rendre hommage à ces nombreuses luttes, la compagnie de théâtre PerSIStence a mis sur pied le projet «Votes for Women 100», projet qui commémore le 100e anniversaire du droit de vote des femmes aux élections municipales. 

D’avril à novembre, une série d’événements nommée Ladies’ reading room recrée les séances qui ont eu lieu il y a plus d’un siècle. Le dernier événement, qui aura lieu le 2 novembre à St. John’s à la Pleasantville Legion, se penche sur le thème «les femmes et la politique». La plupart des enjeux débattus à l’époque sont donc encore très d’actualité aujourd’hui. Fin octobre, la pièce de théâtre The Mirror a en quelque sorte clôturé cette année d’événements créés autour du 100e anniversaire.

Dans toute la province, seules deux statues représentent des femmes identifiées, et aucune ne se trouve dans la capitale.  Pour changer la donne, la compagnie PerSIStence a commandé une statue  à l’effigie de Armine Nutting Gosling. Créée par l’artiste locale Sheila Coultas, la statue en bronze sera érigée à St. John’s au Bannerman Park en 2022.

Quatre femmes sont debout sur scène, elles tiennent des pancartes blanches avec de l'écriture noire.
«Des actions, pas des paroles!»: sur scène, les suffragettes terre-neuviennes (de gauche à droite, les comédiennes Terri Andrews, Alison Woolridge, Wendi Smallwood et Sharon King-Campbell) clament ce slogan haut et fort. Photo: Ashley Harding

Trois questions à Trudy J.Morgan-Cole

Après un peu plus d’un an et demi de travail, la première de la pièce de théâtre écrite par Trudy J. Morgan-Cole a été présentée le 21 octobre 2021.  Quelques jours avant la représentation, Le Gaboteur a pu discuter par téléphone avec l’écrivaine terre-neuvienne, connue habituellement pour ses romans historiques.

Propos recueillis par Amélie Barsalou

Une femme est debout à côté d'une affiche publicitaire pour la pièce de théâtre The Mirror.
L’auteure Trudy J. Morgan-Cole lors de la première de The Mirror, le 21 octobre dernier. Photo: Amélie Barsalou

AB: Quel a été le parcours que vous avez emprunté pour écrire cette pièce ?

Trudy J. Morgan-Cole: J’ai été une romancière toute ma vie. Auparavant, j’ai écrit des romans basés sur l’histoire des femmes, mais jamais une pièce de théâtre complète. Ce fut un processus très intéressant pour moi, car c’est la première fois que je vois une de mes histoires prendre littéralement vie. J’ai aussi beaucoup aimé consulter des ouvrages écrits par des historiennes pour m’inspirer et me guider pour l’écriture de cette pièce. 

AB: Quels ont été les défis reliés à ce projet ? 

TMC: Les principaux défis ont été d’apprendre comment écrire un texte qui pourra se transposer sur une scène; il y a une grande partie de l’histoire qui doit être transmise visuellement. De plus, avec toute l’histoire de la pandémie, il y avait toujours beaucoup d’incertitudes quant aux répétitions et aux possibles représentations de la pièce. Je suis bien contente qu’on puisse enfin y aboutir.

AB: Pourquoi avez-vous décidé d’écrire une pièce à propos de Armine Nutting Gosling?

TMC: J’ai toujours été intéressée par les causes des femmes, c’est donc pourquoi j’en suis arrivée à écrire The Mirror.  En collaboration avec PerSIStence Theatre Company, nous avons voulu faire un focus sur elle pour donner l’opportunité au public de connaître cette personne importante pour l’histoire de la province. Ce qui est fascinant avec Armine, c’est qu’on ne voulait pas seulement la mettre sur un pied d’estale, mais aussi démontrer les difficultés qu’elle a pu rencontrer dans sa vie personnelle et dans ses luttes. Je pense que sous de nombreux angles, plusieurs sujets sont toujours d’actualité aujourd’hui pour les femmes et les luttes qu’elles ont encore à mener.


Une compagnie de théâtre féministe

Créée en 2017 par la femme de théâtre et militante féministe Jenn Deon, PerSIStence Theatre Company s’est donnée pour mission de «répondre au besoin persistant et universel de promouvoir, de comprendre et d’adopter les croyances fondamentales du féminisme par le biais du théâtre professionnel et d’initiatives connexes». Depuis sa fondation, la compagnie a produit une dizaine de pièces. (CT)

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