À l'écran et sur scène, Arts et culture

Repenser la diversité

Du 1er au 9 octobre, le Festival of New Dance accueillera quatre compagnies francophones à St. John’s. La directrice artistique Calla Lachance, revient sur l’essence de ce festival de danse, créé en 1990 par l’organisation Neighbourhood Dance Works (NDW).

Les différents visages de l’art: De la danse, du tapis hooké (rug hooking), des installations nocturnes, des ateliers d’arts en français ou encore du cirque: le début de l’automne s’annonce chargé en festivals! Le point commun du Festival of New Dance, de CBNuit et du St. John’s Circus Fest? On retrouve des artistes francophones parmi leur programmation. Le Gaboteur vous amène à la découverte de ces trois événements à travers les portraits d’artistes aux horizons divers. (CB)

Aider à créer un espace dédié uniquement à la danse dans la communauté artistique de St. John’s: c’est la vision à l’origine de la création du Festival of New Dance. Si la directrice artistique actuelle porte toujours en elle cette vision, elle insiste sur la nécessité de réfléchir à la notion de diversité au sein de cet espace unique.

«Aujourd’hui, on ne peut plus seulement dire ‘’Oui, notre programmation est diverse’’, on se doit d’être clair et spécifique dans nos choix afin de montrer en quoi elle est diverse. Est-ce suffisant de présenter un artiste issu de communautés racialisées s’il est entouré d’artistes blancs de milieux privilégiés? Je pense que ce n’est pas assez, et on réalise aujourd’hui qu’on ne peut plus parler de diversité dans ce cas. La diversité doit aller bien au-delà», estime Calla Lachance. Selon elle, ce travail de longue haleine sur le sujet devrait devenir une façon naturelle de penser.

Elle poursuit: «Je dirais que le festival a toujours eu à cœur de montrer le travail d’artistes en marge. En particulier parce que de nombreux artistes avec qui nous collaborons travaillent de manière très expérimentale, et les œuvres que l’on présente ne correspondent pas forcément à l’idée que les gens se font de la danse».

Ainsi, en plus de présenter le travail d’une dizaine d’artistes terre-neuviens, le Festival accueillera des compagnies du Québec, de l’Ontario, de la Colombie-Britannique et du Nouveau-Brunswick.

Le fil conducteur de cette édition est la pratique de la danse en solo. Conçue en 2019 pour la rentrée 2020, cette programmation a dû être repoussée d’un an en raison de la pandémie.

Pour découvrir la programmation complète: www.neighbourhooddanceworks.com/fnd-2021

Photo: Omer Yukseker

Manger des os et lécher du pain

La texture, les sons et le corps sont au cœur de l’œuvre Ea- ting bones and Licking bread, présentée par la chorégraphe autochtone Lara Kramer, qui se définit «d’origine oji-cri et coloniale». Sa performance s’ancre dans les questions «autour du système colonial, du maintien de la faim, ainsi que de la consommation des terres et du corps». À voir le 5 octobre.

Photo: John Lauener

Inspiration Picasso

Femme en bleu au doux soupir s’inspire d’un tableau de Picasso, La buveuse assoupie. La danseuse Sylvie Bouchard de la compagnie BoucharDanse se retrouve habitée par une mystérieuse créature. «Cette chorégraphie n’a pas pour but de représenter cette pein- ture, mais plutôt de me permettre d’éla- borer librement une fantaisie autour de la mémoire du moment où j’ai vu la buveuse assoupie, et de ce qu’elle semblait dire,» commente Lina Cruz, la chorégraphe à l’origine de cette création. Sur les planches du LSPU Hall le 8 octobre.

Considérée comme une pionnière de la danse au Canada, Zab Maboungou a notamment créé la technique du mouvement lokéto, qui repose sur «les principes de la marche humaine fondamentale». Photo: K. Calixte

WAMUNZO: «UNE INTÉRIORITÉ QUI PREND PLACE ET SE DÉPLACE»

La danse pour explorer le monde. La danse pour tisser des liens avec le monde. La danse pour refaire le monde. C’est cette vision de la danse que nous livre au bout du fil l’artiste danseuse et chorégraphe Zab Maboungou, également écrivaine et professeure de philosophie.

Pourquoi venir présenter cette œuvre à Terre-Neuve, «dans ce bout du monde», ajoute-t-on en plaisantant? «Les bouts [du monde] sont importants pour comprendre le centre», répond simplement la directrice artistique et fondatrice de la compagnie de danse montréalaise Zab Maboungou / Compagnie danse Nyata Nyatala.

C’est la deuxième fois que ce grand nom de la danse contemporaine africaine se produira sur les planches du Festival of New Dance. Elle revient cette fois-ci avec Wamunzo, œuvre créée en 2018 qu’elle danse à nouveau pour la première fois depuis le début de la pandémie. «Wamunzo, qui vient du kikongo, une des langues du Congo, signifie ‘’ce qui est à l’intérieur, dans le dedans’’. C’est une œuvre qui met en scène l’intériorité, mais une intériorité mouvante. Une intériorité qui prend place et se déplace», explique la chorégraphe, née d’une mère française et d’un père congolais.

Si Zab Maboungou est la seule danseuse sur scène, elle ne préfère pas employer le terme de solo pour parler de cette œuvre. «Ce concept de solo n’existe pas dans la culture africaine. […] Nous serons quatre sur scène, je suis accompagnée de musiciens, ce n’est donc pas un vrai solo!», explique-t-elle. Un maître tambour, un musicien à la batterie africaine traditionnelle, et un joueur de calebasse -son fils-, accompagnent en effet en direct le corps en mouvement de celle qui se définit comme «une chorégraphe du temps». Ils joueront une musique originale de Zab Maboungou. Elle souligne d’ailleurs qu’elle est la première chorégraphe au Canada à avoir ramené la musique sur scène, «en live», durant les années 80 en danse contemporaine.

Son œuvre est à découvrir le 7 octobre à 20h au LSPU Hall. «Venez voir le temps», conclut l’artiste au sujet de Wamunzo.

Le duo de danseurs Marie-Hélène Bellavance et Georges-Nicolas explore la perte et la résilience à travers une œuvre poétique et tout en
lenteur. Photo: Mikaël Theimer

À PERTE DE VUE: DU DEUIL À LA RÉSILIENCE

Dans l’œuvre À perte de vue, présentée par la compagnie québécoise de danse intégrée Corpuscule Danse, on suit le parcours d’un personnage principal, la danseuse Marie-Hélène Bellavance, au sein de duos successifs. Dans un premier temps, le danseur québécois Georges-Nicolas Tremblay accompagne Marie-Hélène qui fait face à la perte de ses deux jambes, et doit apprendre à vivre avec deux prothèses. Isabelle Poirier rejoint ensuite la danseuse pour le deuxième duo qui raconte la rencontre entre les deux femmes.

«C’est une œuvre qui parle de la perte, du deuil, de la transformation et de résilience, avec des images poétiques fortes. Au-delà de la mise en scène d’un handicap, je pense que les thèmes de cette œuvre peuvent rejoindre tout le monde», remarque le danseur Georges-Nicolas Tremblay.

Le duo de Marie-Hélène Bellavance et Georges-Nicolas Tremblay a débuté son exploration chorégraphique depuis 2017 sous la direction de la chorégraphe Lucie Grégoire, dans le cadre du projet de recherche Quadriptyque de Corpuscule Danse, avant d’arriver à une version finale en 2019. Initié par France Geoffroy, danseuse tétraplégique et fondatrice de la compagnie, Quadriptyque se veut un laboratoire de création incluant plusieurs chorégraphes qui travaillent avec des interprètes avec ou sans handicap.

Corpuscule Danse est la première compagnie de danse intégrée à avoir vu le jour au Québec en 2000. L’essence de la danse intégrée impulsée par sa fondatrice, est de donner l’opportunité et l’espace aux personnes avec un handicap de de pouvoir s’exprimer à travers la danse. «Avant, les danseurs avec un handicap n’étaient pas toujours considérés comme des professionnels. Aujourd’hui, on est dans une époque d’ouverture et d’accueil, les gens veulent voir cette diversité de corps. La danse intégrée bénéficie enfin d’une validité artistique», observe Georges-Nicolas Tremblay, qui a repris la co-direction artistique avec Marie-Hélène Bellavance suite au récent décès de France Geoffroy.

«C’est une œuvre forte qui peut résonner chez plusieurs personnes. La pièce est positive, il y a une sorte de paix qui en émerge. Elle laisse planer l’ouverture et l’espoir», résume Georges-Nicolas Tremblay.

À perte de vue est à retrouver sur les planches le 4 octobre prochain, à 19h au LSPU hall.

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