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Qu’est-ce que ça fait, de se découvrir Mi’kmaq ?

Beaucoup d’habitants de Terre-Neuve qui, il y a quelques années encore, ignoraient tout de leurs ancêtres, se découvrent des origines mi’kmaq. Lori-Ann Campbell raconte comment elle vit sa nouvelle identité. Aude Pidoux, Saint-Jean Lori-Ann C

Beaucoup d’habitants de Terre-Neuve qui, il y a quelques années encore, ignoraient tout de leurs ancêtres, se découvrent des origines mi’kmaq. Lori-Ann Campbell raconte comment elle vit sa nouvelle identité.

Aude Pidoux, Saint-Jean

Lori-Ann Campbell, 36 ans, va obtenir son premier certificat de langue mi’kmaq ces prochains jours. Il y a quelques années encore, cette assistante de recherche à l’Université Memorial de Terre-Neuve ignorait tout de ses origines. « À la maison, personne ne parlait jamais de l’histoire de notre famille. Il y a une quinzaine d’années, les gens ont commencé à réaliser qu’ils avaient une autre identité. Moi-même, je n’ai découvert qu’en 2007 que ma famille possédait des documents attestant de notre appartenance au peuple Mi’kmaq. » 

Ses origines mi’kmaq ont pu être prouvées grâce au certificat de naissance et de baptême de son ancêtre Sophie Adelaide Jesseaume, daté de 1787, et à une pile d’autres documents. Comme 94 000 autres personnes, Lori-Ann Campbell attend la décision concernant son admission à la Première nation Qalipu Mi’kmaq.

Lori-Ann Campbell s’est plongée avec beaucoup d’intérêt dans la culture et l’histoire mi’kmaq.
Source: Lori-Ann Campbell

Ce qu’on apprend à l’école

« Enfant et adolescente, je ne connaissais rien des Mi’kmaq, explique cette native de Stephenville. Je les considérais comme des figures ‘non-civilisées’ du passé. On nous apprenait à l’école que les Mi’kmaq avaient été les mercenaires des Français et qu’ils étaient responsables de la disparition du peuple Beothuk, parce qu’ils avaient des armes à feu. On ne nous disait pas qu’ils possédaient un alphabet unique et qu’ils avaient été chassés de leurs terres en Nouvelle-Écosse par le gouvernement anglais après 1763. »

Dans sa région de Stephenville et Port-au-Port, les opportunités de travail et d’éducation sont rares. Lorsqu’elle quitte Stephenville pour étudier à Toronto, elle ressent un grand soulagement : « Avant l’invention d’Internet, si vous ne quittiez pas la région, vous n’aviez aucune possibilité d’obtenir un diplôme universitaire. Il fallait partir pour réussir ». 

Elle définit le phénomène comme du racisme institutionnel : « C’est la raison pour laquelle nous avons perdu notre culture. Les gens qui suivaient leurs coutumes et restaient dans leur communauté étaient considérés comme des dégénérés qui n’avanceraient jamais dans la vie. Et maintenant, quand ceux qui ont quitté la région veulent faire reconnaître leur origine mi’kmaq, on leur reproche d’être partis ». 

Le nombre de demandes d’admission, environ cent mille, a en effet surpris le gouvernement, qui n’en prévoyait que 18 000. Ce dernier chiffre correspond aux personnes ayant déclaré leur appartenance Mi’kmaq lors du recensement de 2006. « A l’époque, beaucoup de gens ignoraient leurs racines. Et pourquoi ceux qui en étaient conscients les auraient-ils mentionnées ? Pendant des décennies, être Mi’kmaq a été perçu négativement. Cela n’amenait que des inconvénients, avant la Charte des droits et des libertés de 1982. »

L’accent mi’kmaq

Lori-Ann Campbell n’a découvert l’histoire sa famille, au début du 19e siècle, et de son arrivée à Terre-Neuve en provenance du Cap Breton (Nouvelle-Écosse), que ces dernières années. Pour remplir sa demande d’admission à la Première nation Qalipu Mi’kmaq, elle a eu recours aux services d’un avocat et a passé des heures à étudier d’anciens documents. « Même si le gouvernement n’accepte pas toutes les demandes, le fait que les gens sachent et aient fouillé dans le passé est une très bonne chose. »

Qu’est-ce que cela change, de connaître ses origines mi’kmaq ? « Je suis beaucoup plus fière aujourd’hui. J’avais conscience d’avoir une identité étrange, mais je ne savais pas pourquoi. Maintenant, je suis capable de faire des liens. Je reconnais des intonations mi’kmaq dans l’accent qu’ont les habitants de la péninsule de Port-au-Port et de Stephenville en anglais. J’ai découvert que les Mi’kmaq ont beaucoup d’humour, grâce au double-sens des mots dans leur langue : quand j’y repense, tous mes proches, pendant mon enfance, étaient effectivement très drôles. Les gens de ma région savent toujours quel est le meilleur endroit pour pêcher, pour chasser, pour ramasser des coquillages, des baies ou des plantes médicinales dans la péninsule. Connaître la terre est quelque chose de très important pour les Mi’kmaq. De même, dans ma communauté d’origine, beaucoup de valeurs n’acceptaient aucun compromis. Avant, je pensais que c’était bizarre. Maintenant je sais que ce sont des valeurs mi’kmaq. Retrouver mes racines m’a permis de me comprendre moi-même et de comprendre ma place dans le monde. »

Les enfants de Lori-Ann jouent du tambour mi’kmaq, connaissent les sept valeurs mi’kmaq et participeront cet été à leur troisième pow-wow. Ils sont très excités à cette idée, tout comme leur mère. 

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