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Petit guide pour reconnaître le trouble affectif saisonnier

Afin de mieux cohabiter avec la saison froide et de maintenir une bonne santé mentale, Le Gaboteur s’est enquis de quelques conseils auprès de la psychologue Janine Hubbard.

Marie-Michèle Genest

En plus d’exercer comme psychologue, Janine Hubbard est directrice des communications et présidente de l’association de psychologie de la province, la Association of Psychology of Newfoundland and Labrador (APNL).

L’automne venu, nous sommes nombreux à vouloir nous transformer en petits ours d’intérieur, à lorgner le sac de croustilles plutôt que le bol de fruits et à vouloir s’affaler sur le divan au lieu d’enfiler nos chaussures de course. Dépression saisonnière, déprime hivernale, blues de l’hiver; dans le langage courant, ces termes décrivent cette langueur qui taraude entre 15 à 30% de la population en cette période de l’année.  «On peut voir comment chacun de nous tend à ressentir un peu de ces symptômes au milieu de l’hiver, en particulier à Terre-Neuve!», reconnaît Janine Hubbard, un sourire dans la voix. Ces symptômes, elle les connaît bien. En tant que présidente de la Association of Psychology of Newfoundland and Labrador (APNL), elle les adresse inévitablement, à chaque passage de l’automne. 

Depuis 2013, le terme «trouble affectif saisonnier» (TAS) a toutefois remplacé celui de «dépression saisonnière» dans le jargon médical. Considéré comme étant une forme sévère de dépression, ce trouble se différencie de la dépression clinique par son caractère cyclique. Il apparaît généralement à la fin de l’automne ou à l’hiver, et, pour certaines personnes, s’éclipse un peu comme par magie au printemps, lorsque le soleil vient nous tenir compagnie plus longtemps. Sans surprise, le TAS frappe surtout les habitants des pays nordiques, mais ce sont les femmes et les personnes âgées entre 20 et 50 ans qui sont les plus enclines à expérimenter ces désagréments saisonniers. 

Toutefois, les symptômes du TAS se révèlent plus sérieux que le simple blues hivernal: irritabilité, léthargie, désespoir, manque d’énergie et de concentration, prise de poids, isolement social, irrésistible envie de dormir et de s’empiffrer d’aliments riches en glucides, entre autres. De 2 à 6% de la population générale vivraient avec cette forme sévère de dépression saisonnière. Selon Janine Hubbard, le problème doit être pris en charge lorsque les symptômes commencent à interférer avec les activités du quotidien. «On a tous nos soirées où on ne veut pas pelleter ou aller à des activités sociales, mais quand ça arrive tout le temps, là ça devient inquiétant», résume la psychologue.  

Bain de soleil, réel ou artificiel

Même si les causes du TAS demeurent toujours inconnues des chercheurs, l’hypothèse la plus plausible met en lumière la relation entre la diminution des heures d’ensoleillement et le ralentissement de la production de deux molécules dans notre corps, soit la mélatonine et la sérotonine. Alors que la première régule le sommeil et l’humeur, la seconde joue un rôle sur le bien-être, la confiance en soi, la motivation et la prise de décision.

Afin de stimuler la sécrétion de ces deux hormones, Janine Hubbard invite donc les gens à embrasser leur nordicité et à profiter de toutes les occasions pour mettre le nez dehors. L’exposition à la lumière du jour favorise également la production de la vitamine D, qui fait généralement défaut chez les Terre-Neuviens et Labradoriens. Appelée «vitamine soleil», cette dernière favorise la santé des os et du cœur, tout en diminuant le risque de certaines maladies comme le diabète de type 1 et 2. Chez certaines personnes, la prise d’antidépresseurs pourrait également s’avérer nécessaire. Dans tous les cas, Janine Hubbard déconseille l’automédication, notamment à travers la consommation d’alcool et de drogues, ce qui pourrait aggraver la situation.

À défaut d’avoir de véritables tête-à-tête avec le soleil, il est aussi possible de se tourner vers la lumière artificielle, notamment grâce aux lampes de luminothérapie. D’ailleurs, comme son bureau est dépourvu de fenêtres, Janine Hubbard s’impose elle-même une séance de luminothérapie tous les matins, en épluchant ses courriels, un thé à la main. 

La psychologue souligne le fait que le prix de ces produits a chuté de façon notoire au cours des dernières années, démocratisant ainsi cette pratique dont les bienfaits ont été démontrés scientifiquement. L’achat d’un réveille-matin simulateur d’aube pourrait aussi faire partie de notre prochaine liste du Père Noël afin de contrer les matins sombres qui rendent la sortie du lit difficile.

Faute d’être éliminés, les symptômes de la dépression saisonnière ou du TAS peuvent être traités. «Ces temps-ci, c’est un bon moment pour être proactif et j’aime bien m’assurer que le message soit entendu», affirme Janine Hubbard, rappelant l’importance de soigner une dépression, peu importe sa nature. D’ici le retour du printemps, on se souhaite que le soleil demeure présent, autant au-dehors qu’en dedans.

Ronde, rectangulaire, aux angles arrondis, sous forme de lunettes, avec une lumière blanche ou une lumière bleue: il existe une multitude de modèles de lampes de luminothérapie sur le marché, pour un prix généralement compris entre 50$ à 300$.

Quelles lampes?

Ce ne sont pas toutes les lampes qui conviennent au traitement de luminothérapie. La norme cliniquement reconnue est :

  • une exposition à une source lumineuse de 10 000 lux (unité de mesure de l’intensité lumineuse)
  • pendant 30 minutes par jour
  • idéalement le matin
  • à une distance de 40-50 centimètres

Si vous utilisez une lampe de moins de 10 000 lux, il faudra revoir la durée de l’exposition en conséquence. Par exemple, pour une lampe de 5000 lux, on devra s’exposer durant 60 minutes.

Sortir à la lumière du jour peut aussi aider à soulager les symptômes du TAS. À titre d’exemple, l’intensité d’une journée nuageuse est de 2000 lux, et celle d’une journée ensoleillée est de 100 000 lux. (ÈB-ASP)

Source: Ève Beaudin – Agence Science-Presse (Archives du Gaboteur, 29 janvier 2018)


Cet article fait partie de notre dossier: Quand la grisaille s’installe dans notre tête

Ahhh l’automne… Déambuler en respirant l’odeur sucrée des feuilles qui craquent sous nos pas, un café latte à la citrouille à la main… Mais derrière ces doux et simples plaisirs automnaux se cache parfois une certaine part de tristesse: dire au revoir aux aventures estivales, à notre beau jardin fleuri et surtout, aux longues journées ensoleillées. Dans ce dossier, Le Gaboteur s’intéresse plus particulièrement aux impacts de l’arrivée de l’automne sur notre santé mentale. Pas pour assombrir les choses, mais pour mettre en partage certaines expériences qui sont plus répandues qu’on pourrait vouloir le croire.

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