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En reprise : Il était une fois… Jack, Ti-Jean et leurs dulcinées

En décembre 2014, Le Gaboteur consacrait plusieurs textes aux plus célèbres héros des contes de Terre-Neuve : Jack, chez les anglophones, et Ti-Jean, chez les francophones. En cette période des Fêtes, nous vous offrons en reprise quelques extraits de

En décembre 2014, Le Gaboteur consacrait plusieurs textes aux plus célèbres héros des contes de Terre-Neuve : Jack, chez les anglophones, et Ti-Jean, chez les francophones. En cette période des Fêtes, nous vous offrons en reprise quelques extraits de cette incursion dans l’univers de Jack, de  Ti-Jean et de leurs dulcinées, dont la traduction française d’un extrait d’un des contes de la série des Jack d’Andy Jones, publiés aux éditions Running the Goat avec des illustrations de Darka Erdelji (notre image de couverture).

Jack, ce héros terre-neuvien

À Terre-Neuve-et-Labrador, nos traditions orales proviennent en partie de celles de l’Irlande, de la France, et de la Grande-Bretagne, ainsi que de celles des peuples autochtones de la province. Au fil des siècles, nous avons développé un folklore et des traditions qui nous sont propres. Les contes de Jack (Jack Tales en anglais) occupent une place importante dans cette culture.

David Jensen

Ces histoires existent sous la forme orale depuis des générations. L’acteur et écrivain Andy Jones, de Saint-Jean, raconte des histoires de Jack depuis longtemps. En 2010, il a publié le premier d’une série de livres dont Jack est le héros aux éditions Running the Goat. « Jack est le héros d’un très grand nombre de contes d’ici. Jack est un prénom très commun chez nous, donc il est en quelque sorte notre version d’Ivan Ivanovich en Russie ou de Juan Perez dans les pays hispanophones », explique-t-il.

Dans les contes, le personnage de Jack est quelqu’un de très normal : « Ce n’est pas l’enfant préféré de ses parents. C’est un jeune qui est décontracté, voire un peu paresseux. Les gens ne croient pas en lui », explique Andy Jones. « Pourtant, il est courageux au point d’être naïf, et c’est souvent ça qui l’aide à se sortir de situations difficiles », ajoute-t-il. Jack est également généreux et gentil envers les autres. Il aide les gens et tente de les connaître le plus possible.

Selon Andy Jones, « Jack est en quelque sorte la personnification de tout ce qui est bien de la culture et l’esprit terre-neuviens. En fin de compte, Jack a toujours le but et l’habitude d’aider les autres. Dans plusieurs contes, quand tout espoir semble être perdu, Jack est sauvé par quelqu’un qu’il avait rencontré plus tôt dans l’histoire ».

Ti-Jean : le héros francophone

Affiche du marathon de contes de Jack et de Ti-Jean en 2011.
Affiche du marathon de contes de Jack et de Ti-Jean en 2011.

Jack n’est pas le seul héros folklorique de Terre-Neuve-et-Labrador. Sur la côte ouest de l’île, dans la tradition franco-terre-neuvienne, le héros de nombreux contes se nomme Ti-Jean. Celui-ci est en quelque sorte le « cousin » francophone de Jack et figure dans de nombreuses traditions folkloriques à travers le Canada.

David Jensen et Jacinthe Tremblay

Andy Jones s’est inspiré d’histoires qu’il a entendues des conteurs de la côte ouest de Terre-Neuve, dont un grand nombre sont issus des traditions francophones, pour certains de ses contes de Jack. « J’ai eu l’occasion de rencontrer Émile Benoit et Jean-Alfred Benoit à De Grau. Ils m’ont raconté des histoires de Ti-Jean en anglais et plus tard Joe Benoit a travaillé avec le centre des Terres-Neuviens Français de Cap-Saint-Georges pour en faire une compilation en français », rappelle monsieur Jones.

D’autres contes ont été compilés par Herbert Halpert et John Widdowson, tous deux professeurs de folklore à l’Université Memorial dans les années 1980 et 1990. L’une de leurs sources était Freeman Bennett, originaire de St. Paul’s sur la péninsule du Nord. Selon Andy Jones, ce dernier était l’un des meilleurs conteurs des histoires de Jack. « Lorsque j’écrivais Jack and the Manger, j’avais toujours en tête Freeman Bennett », dit-il. « Il provenait d’une famille francophone. Il me disait qu’il avait entendu des histoires de son oncle Charles Benoit, mais que la famille avait changé son nom plus tard pour Bennett », précise-t-il.

Le plus récent livre de Jack publié par Andy Jones en octobre dernier aux éditions Running the Goat, a pour titre Jack the King of Ashes, et est inspiré lui aussi par un récit de Freeman Bennett. « J’ai tiré certains aspects de cette histoire de son Green Man of Eggum, que je l’ai entendu conter il y a plusieurs années », précise monsieur Jones.

Mark Cormier

Le 15 novembre 2011, plusieurs des conteurs de la province, dont Andy Jones, ont participé à un marathon de six heures de contes de Jack au Ship Pub, à Saint-Jean. Mark Cormier, de Cap-Saint-Georges, était parmi eux. Dans une entrevue accordée dans le cadre de la création du Répertoire des artistes du Réseau culturel francophone, en 2010, monsieur Cormier a confié que sa fascination première pour sa culture ancestrale lui est venue de conteurs. « Enfant, je m’endormais souvent en écoutant des histoires fantastiques racontées par des parents et voisins dans notre maison familiale », avait-il rappelé.

Entre ses débuts dans l’enseignement et sa retraite, Mark Cormier a utilisé le conte pour stimuler le désir des jeunes d’assurer la pérennité de la culture franco-terre-neuvienne. Le printemps dernier, des élèves de l’École des Grands-Vents ont joué une des histoires de Ti-Jean de Mark Cormier, sous la direction de Louise Moyes.

Pour voir les prestations des conteurs du marathon de contes de Jack, cliquez ICI. 

Quand le Jack d’Andy Jones devient Ti-Jean – Extrait de Jack and Mary in the Land of Thieves

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Jack and Mary in the Land of Thieves. Texte : Andy Jones. Illustrations : Darka Eldelji. Éditions Running the Goat

Andy Jones (traduction de David Jensen et Jacinthe Tremblay)

Il était une fois, il y a très longtemps, quand les oiseaux  faisaient leurs nids dans les barbes des vieux hommes, un jeune pêcheur astucieux appelé Ti-Jean. C’était le genre de gars qui semblait toujours savoir où étaient les poissons. Même quand les autres pêcheurs revenaient au quai avec leur bateau vide, celui de Ti-Jean était plein à craquer des meilleurs poissons.

Ce jeune Ti-Jean était follement amoureux d’une jeune femme à l’esprit vif appelée Marie. Elle était boulangère et femme d’affaires, et elle en était la meilleure des boulangères et des femmes d’affaires. Et vous savez quoi ? Marie était follement amoureuse de Ti-Jean ! Impossible de dire lequel était le plus follement amoureux de l’autre.

Mais… (et oui, il y a toujours un « mais »)… mais… (comme je l’ai dit) le père de Marie était catégoriquement contre l’idée qu’elle épouse Ti-Jean. ET… (les « mais » sont toujours suivis d’un « et »)… ET… (comme je l’ai dit) comme le père de Marie était le type le plus têtu de tous les temps, les deux jeunes amoureux se sont enfuis vers le Pays des voleurs.

(Et ça, c’est la version courte d’une longue histoire qui dure trois générations.)

Comme cadeau de mariage, Ti-Jean a donné à Marie une barrette à cheveux ornée d’un rubis rouge (elle appartenait autrefois à Brigitte, la tante préférée de Ti-Jean) et Marie a donné à Ti-Jean un petit mainate albinos appelé Baxter. Cet oiseau était intelligent comme un scientifique russe. Il savait parler et chanter et il composait même ses propres chansons. C’étaient des chansons simples, mais certaines étaient très poétiques. Il savait additionner et multiplier, mais étrangement il ne pouvait ni soustraire ni diviser. Baxter faisait la fierté et la joie de Ti-Jean et Marie.

Comme vous pouvez le deviner, on ne respecte pas la loi au Pays des voleurs. On y trouvait partout des bandits, des batailleurs, des voleurs, des violeurs, des prédicateurs, des harceleurs, des intimidateurs, desescrocs, des fripons, des filous, et des menteurs. Ti-Jean et Marie étaient plus ou moins les seuls gens honnêtes du Pays des voleurs. Ils travaillaient fort tous les deux, tous les jours et ils sont devenus riches. Ti-Jean avait trois goélettes et Marie avait trois boulangeries. Mais (voilà encore ce foutu « mais ») ils devaient passer un temps fou pour empêcher les méchants rusés qui avaient donné le nom à leur pays de leur prendre leur argent.

La rencontre de Jack avec Jésus, selon Andy Jones 

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Couverture de Jack and the Manger. Texte : Andy Jones. Illustrations : Darka Eldelji. Éditions Running the Goat.

En 2010, Andy Jones publiait Jack and the Manger (Jack et la mangeoire), qui raconte l’histoire de la naissance de Jésus comme s’il s’agissait d’un conte terre-neuvien. Cette adaptation irrévérencieuse et hilarante de la Nativité a fait sensation.

David Jensen

« Je ne suis pas quelqu’un de religieux, mais j’aime les histoires qui apparaissent dans la Bible. Je voulais revendiquer l’histoire du petit Jésus comme partie prenante de notre tradition folklorique », dit Andy Jones à propos de sa décision de situer la naissance du Christ à Terre-Neuve-et-Labrador. « À mon avis, Jésus est en quelque sorte un personnage dans le style de Jack », avance-t-il. « Jésus était un enfant pauvre sans trop d’espoir pour son avenir, mais il est devenu un héros. Et tout comme Jack, il a une certaine façon de traiter tous ceux qu’il rencontre de façon respectueuse », poursuit-il.

Pour interpréter la légende la plus connue du monde chrétien, Andy Jones y a introduit Jack. « J’ai toujours voulu que Jack et Jésus se rencontrent, et c’est ce qui arrive dans le livre », explique-t-il. Quand ce moment arrive, il est clair que les deux se distinguent par leur humilité : Jack dit à Jésus, « On m’a beaucoup parlé de vous », et le Christ répond « On m’a beaucoup parlé de vous aussi ». Andy Jones souligne que ce moment reflète bien l’attitude générale de Jack, mais en même temps, il note : « C’est comme si Jésus est plus impressionné par Jack que l’inverse ».

Pour en savoir plus sur les livres de Jack d’Andy Jones, cliquez ICI 

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