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Chercher l’espoir, malgré…

Au moment où j’écris ces lignes, j’ouvre la première petite porte de mon calendrier de l’Avent. Un chocolat s’y cache. Ce rituel m’accompagnera chaque jour jusqu’au 25 décembre. Un plaisir d’enfant qui persiste, qui persévère. 

CHRONIQUE À TEMPS PERDU

Patrick Renaud

Ce concept de calendrier de l’Avent s’est popularisé au cours de la décennie et s’est démultiplié: calendrier de l’Avent version bières, fromages, outils de construction, jeux sexuels, et j’en passe. De l’Avent «pour tous les goûts et budgets»! Cette multitude de calendriers nous fait presque oublier le sens original de cette pratique qui a pour cœur, non pas le calendrier lui-même, mais l’«Avent», «l’avènement». La récupération marchande d’un concept vient rarement sans cet effet d’oubli et d’effacement de sens.

Dans la tradition liturgique chrétienne, l’Avent est une période de préparation spirituelle en vue de Noël, le jour de la naissance de Jésus. Cet événement est l’avènement par excellence, dans la mesure où c’est Dieu lui-même qui se fait homme; c’est la puissance divine qui se fait humble, qui advient au cœur de l’histoire et de la vie humaines afin de la transfigurer, afin de la sauver.

Cette puissance étrangère à l’humain qui advient est ainsi promesse d’espoir; elle advient pour nous. Et la pratique du calendrier de l’Avent, qui prit forme au XIXe siècle dans l’Allemagne protestante, avait pour vocation de rendre les enfants sensibles à cet avènement; à la présence au monde de cette puissance et de cette espérance. 

Un nouvel Avent

La multiplication commerciale des calendriers de l’Avent et l’effacement progressif du sens original de cette pratique m’amènent cependant à me demander: quel est notre adventus à nous? Qu’est-ce qui advient dans notre histoire? 

Si le chrétien répond que ce qui advient, c’est l’espoir suscité par la grâce de Dieu, le monde séculier, quant à lui, ne répond pas en ces termes. En fait, il répond de manière exactement contraire. 

D’une part, depuis près de deux ans, ce qui advient, c’est la COVID. Ce qui advient, ce sont ses variants qui se propagent et qui colonisent nos vies tout autant qu’ils s’approprient l’alphabet grec: Alpha, Delta, Omicron Une langue à la fois morte et vivante, comme un virus. Si l’avènement christique était promesse d’espoir et de salut, l’avènement covidien, nous le savons trop bien, est promesse d’incertitudes, de distanciation sociale, de détresses psychologiques. 

Si la promesse d’espoir chrétienne advenait pour nous, il semble bien que notre nouvel Avent covidien advienne contre nous.

À cet Avent covidien, il faut bien sûr ajouter celui qui définit notre époque, l’Avent de la crise écologique. Les bouleversements climatiques qui ont frappé les rives pacifiques et atlantiques du Canada à la fin du mois de novembre, les chaleurs caniculaires de plus en plus extrêmes qui ont mis en danger les membres les plus vulnérables de la population (personnes âgées, mais aussi, personnes pauvres vivant trop nombreuses dans de trop petits espaces trop chers payés), l’effacement draconien de la biodiversité terrestre, autant d’indices de cette crise écologique qui frappe nos vies, qui fragilise nos existences, qui les remet radicalement en question.

L’espoir au-delà de la consolation

Face à ces avènements qui gonflent nos humeurs tristes, nos calendriers d’Avent et les joies d’enfant éphémères qu’ils provoquent prennent un sens un peu moins festif. Ils ne servent plus à nourrir et à cultiver l’espoir qui permet d’agir. Ils offrent plutôt, pour ceux qui en ont les moyens bien sûr, une sorte de consolation «pour tous les goûts et tous les budgets». Ils offrent une manière de cesser, même si ce n’est que pour un maigre instant – le temps d’un chocolat -, d’être affecté par ces puissances virales et écologiques qui adviennent. Un paradis artificiel, aurait dit l’autre…

Peut-être ce portrait est-il trop sombre. Peut-être ai-je forcé le trait. Cette mise en question du sens d’une tradition n’a pas pour but cependant de tuer l’espoir dans l’œuf. L’œil qui dit ne rien voir le dit, après tout, parce qu’il cherche à voir. C’est ce que je nous souhaite pour l’année à venir: chercher l’espoir au-delà de la consolation; chercher ce qui advient comme une promesse.

Joyeux Noël à toutes et à tous.

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