Autochtone

50 ans de bataille pour la reconnaissance

Il faut attendre les années 1980 pour que le gouvernement reconnaisse un premier groupe Mi’kmaq de Terre-Neuve. Et presque trente ans de plus pour que les autres Mi’kmaq parviennent à faire entendre leur voix. Aude Pidoux, Saint-Jean Lorsque T

Il faut attendre les années 1980 pour que le gouvernement reconnaisse un premier groupe Mi’kmaq de Terre-Neuve. Et presque trente ans de plus pour que les autres Mi’kmaq parviennent à faire entendre leur voix.

Aude Pidoux, Saint-Jean

Lorsque Terre-Neuve-et-Labrador rejoint le Canada, en 1949, le gouvernement d’alors omet d’annoncer l’existence de peuples autochtones – Innuit, Innu, Mi’kmaq et métis – dans la province. Ces populations sont ignorées une seconde fois lors du recensement national des peuples aborigènes de 1951. 

Le manque de visibilité des Mi’kmaq est dû à différents facteurs communs aux autres peuples autochtones du Canada : colonisation informelle, mariages et assimilation au travers des institutions religieuses et éducatives contribuent à supprimer leur identité et leur langue. D’autre part, le racisme prévalant au début du 20e siècle encourage les Mi’kmaq à cacher leurs origines, parfois même à leur propre famille.

Surtout, les Mi’kmaq de Terre-Neuve se heurtent à la forte résistance du gouvernement. Ils restent presque complètement absents des discours politiques jusque dans les années 1970. Là, influencés par le Mouvement des droits civils américain et le Mouvement amérindien, le chef White et ses partisans fondent la Fédération des Indiens de Terre-Neuve. Leurs efforts débouchent finalement sur la reconnaissance des Mi’kmaq de Miawpukek (Conne River) par le gouvernement fédéral dans les années 1980. 

Le mythe Beothuk

Après celle-ci, la Fédération des Indiens de Terre-Neuve se concentre sur la reconnaissance des Mi’kmaq sans terre, mais le gouvernement de Terre-Neuve résiste à toute forme de coopération, de crainte que cela retarde certains gros projets et génère de nouveaux coûts pour la province. 

Parallèlement, quelques chercheurs commencent à s’intéresser l’histoire des Mi’kmaq de Terre-Neuve. En 1978, l’anthropologue Dennis Bartels est le premier à réfuter le mythe selon lequel les Mi’kmaq auraient été responsables de l’extermination des Beothuk. Or, ce « mythe Beothuk », comme les chercheurs l’appellent désormais, est un des arguments sur lesquels s’appuie le gouvernement pour refuser la reconnaissance des Mi’kmaq de Terre-Neuve.

L’autre réserve du gouvernement a trait à la date d’arrivée des Mi’kmaq à Terre-Neuve ; ils sont considérés comme des nouveaux venus, au même titre que les différents groupes d’immigrants en provenance d’Europe. Petit à petit, les chercheurs s’attaquent à cette question aussi. Au début des années 1990, Dennis Bartels et son collègue historien Olaf Janzen situent au milieu du 18e siècle l’arrivée définitive des Mi’kmaq. Bartels ajoute que la durée de leur présence justifie l’octroi d’un territoire ainsi que le statut d’Indiens. A cette même période, les Mi’kmaq commencent aussi à présenter leur version de l’histoire.

Une nouvelle sensibilité

Les années 1990 voient l’avènement d’une nouvelle conscience nationale au sujet des peuples autochtones. Les révélations sur le système des écoles résidentielles et sur les abus perpétrés par des membres du clergé sur les enfants des Premières nations y contribuent grandement. Les Innu et les Inuit du Labrador commencent des négociations avec le gouvernement fédéral. En revanche, les négociations des Mi’kmaq n’avancent pas : le gouvernement fédéral désire inclure le gouvernement provincial dans le processus, mais ce dernier refuse de participer. La Fédération des Indiens de Terre-Neuve finit par en appeler à la Cour canadienne des droits de l’homme. La question est aussi portée à l’attention de la Commission des Nations unies sur les droits humains en 2003.

Après différents développements juridiques, le Fédération des Indiens de Terre-Neuve signe un accord de principe avec le gouvernement fédéral en 2008, qui reconnaît la Première nation Qalipu Mi’kmaq. 

Cette présentation historique est tirée de l’article de Rainer Baehre: Indigenizing the Academy : The case of Grenfell campus of Memorial University of Newfoundland and the Newfoundland Mi’kmaq resurgence, 2013.

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